Se souvenir
Pourquoi ne pas avoir mis mes photos plus tôt? Sur la route de Saïda, en allant au sud-Liban. Voici un des nombreux ponts explosés par les tirs israéliens de juillet 06. Les travaux de reconstruction avancent à pas de fourmi sur les axes principaux, quant aux autres routes...on pourra attendre encore longtemps
Ceci n'est pas une plaine ou un terrain vague. Ici il y avait des maisons, plein de maisons d'habitation et nous sommes dans un tout petit village du Sud, Siddiqine. Totalement rasé, comme beaucoup d'autres villages martyrs... Un souvenir de cette place reste en moi, invisible... C'est l'odeur. Une chose inabordable par l'ordinateur. L'odeur de la mort flottait encore. Les restes d'un immeuble n'avaient pas encore été retirés et l'odeur de chair morte nous donnait envie de vomir...
Les bords de la route, tout au long des routes, pendant des kilomètres. D'anciennes maisons pulvérisées...
Ici c'est au village de Qana, là où le deuxième génocide a eu lieu. Plus d'une centaine de femmes et d'enfants on été tués dans des bombardements. Voici ce qu'il peut parfois rester d'une partir d'immeuble. C'est à peine croyable, mais des gens vivent à "ciel ouvert" bien malgré eux. Il n'y a pas de dispositions bien précises, aucune prise en charge par le gouvernement libanais. C'est le Hezbollah qui finance et "dédommage" tous les habitants concernés par la destruction de leurs habitations...
Il est bien triste de devoir se souvenir de tout cela, alors que pour des dizaines de milliers de libanais, pour ne pas dire près d'un million, cette désolation fait partie de leur quotidien et de leur vie...
Alors que certains, dans le pays voisin, commémorent la Shoha, qui s'est produite à des dizaines d'années de là et à des milliers de kilomètres, moi je décide de rappeler au monde que ces mêmes gens ont causé la destruction et la mort, non pas d'une ethnie mais bel et bien d'un pays, ce Liban martyrisé par Israël déjà dans la guerre de 1982 à 1990, qui a continué de façon insidieuse jusqu'au retrait des troupes en 2000 et qui par un esprit de haine a refrappé, encore plus fort cette fois, en juillet et août 2006.
Alors souvenons-nous de ces douleurs intestines que le Liban a dû subir il y a 8 mois, souvenons-nous des blessures encore ouvertes causées par les bombes des Israéliens et surtout, souvenons-nous que tous les jours des enfants libanais sont mutilés, voire tués par les bombes à sous-munitions envoyées par Israël dans les champs d'oliviers, d'orangers.
Souvenons-nous que demain encore ces bombes deviendrons des mines anti-personnelles pour des civils qui demandent juste à avoir le droit de vivre.