Voyage au Liban

07 décembre 2006

Le vide

Encore des jours qui pqssent et la situation ne s'améliore pas vraiment.

Je me sens vide de sens, je vais à l'université, je pianote sur le clavier et j'écris des stupidités, mes états d'âme...Pour quoi? Pour qui?

Il peut y avoir un grand bouleversement au Liban et nous sommes là, étudiant, travaillant, comme d'habitude. Comme d'habitude on se lève le matin et on part. Mais pour faire quoi? Quel est le but, alors que je ne vois pas d'avenir. Moi qui voulais plus tard rester au Liban, y travailler même, offrir mon aide ridicule à ce pays qui est une partie de moi.

J'en parle comme s'il était déjà mort. Et pourtant, il est bien vivant, bien réel malgré les guerres, malgré la destruction. Le problème est que l'on ne peut rien prévoir à long termes. Pas de projets, pas d'investissements, même personnel. Alors pourquoi?

S'il est déjà difficile de vivre en ayant un but dans la vie, celui qui n'a plus de but est condamné à survivre, malgré lui parfois.

C'est le vide. On marche mais on ne sait pas où on va, comme le Liban en ce moment et comme beaucoup de Libanais je présume.

Qu'est-ce qui peut combler ce vide? L'amour? Un amour inconditionnel pour le Liban? Rester ici coûte que coûte et persiste? S'engouffrer corps et âme dans ce vide plein de questions sans réponses?

Je ne sais pas et je ne sais pas si un jour je saurai.

05 décembre 2006

Liban = ?

Petite équation que je n'arrive pas à résoudre...

Liban= ?

Il n'y avait pas assez de la guerre de cet été contre Israel, voici que le ministre de l'Industrie se fait assassiner il y a à peine 2 semaines... La chaîne du malheur... Et depuis 4 jours, des manifestations nationales ont mobilisé presque 2 mio et demi deLibanais au centre de Beyrouth, soit près des 2 tiers des Libanais se trouvaient là et vont rester encore... peut-être des semaines pour renverser le gouvernement.

Pour expliquer la situation politique, c'est un peu compliqué, mais pour résumer, il y a des gens (Parti de la résistance, Hizbollah chiite; Amal, chiite; Aoun, courant patriotique libre, chrétien, courant du Géant, et d'autres, druzes, chrétiens...) qui en ont assez de ne pas avoir leur mot à dire dans le gouvernement, bien qu'ils soient repésentés au Parlement, mais n'ont aucun pouvoir d'action. De plus, les ministres chiites ayant démissioné, la communauté n'est plus représentée et donc le gouvenement devient illicite car la constitution veut que chaque communauté soit représentée. Et le gouvernement actuel, du 1er ministre (sunnite)serait pro-occidental, mais dans le sens pro-américain. Or, qui était aux côtés d'Israel pour détruire le Liban? Les Etats-Unis...

Les manifestants veulent un gouvernement oriental et non plus occidental, ou tous les pays viennent mettre leur grain de sel. Ce qui ne veut pas dire qu'ils veulent être sous la tutelle de la Syrie ou de l'Iran, pas du tout, voire bien au contraire. Les Libanais veulent enfin un peu de paix. Ceux qui ne voient dans les manifestants que des pro-syriens se trompent sur toute la ligne. Les Libanais demandent un gouvernement qui possède un programme réel or, celui du Premier ministre s'avère être un échec, vue la situation de crise dans laquelle le Liban est plongée depuis bien longtemps...

Dimanche soir une rixe entre opposants dans la rue a mal tourné, un jeune homme a été assassiné... à moins d'un kilomètre de chez moi. D'ailleurs, juste après son meurtre, je suis passée par hasard, on ne savait pas que ça venait de se produire, j'ai vu l'armée près d'un groupe de gens..

La situation n'annonce rien de bon, mais le pire c'est qu'on ne sait absolument pas à quoi s'attendre! Même les présidents des différents partis ne savent probablement pas, mais tous condamnent cet acte de violence, l'opposition veut des manifestations pacifistes. Au centre ville, il y a des tentes, des vendeurs de boissons, de mais, des jeunes dansent la dabké danse folklorique libanaise, l'ambiance semble bon enfant à première vue. Comme si on assistait à un immense concert en plein air.. Il y a des femmes, voilées ou non, des enfants, des jeunes adultes, des retraités, de tout le Liban, de beaucoup de confessions aussi...

Vraiment parfois je me demande ce que je suis venue faire dans ce pays! Pourquoi? En fait je me pose maintenant la question tous les jours. L'université a fermé pendant 3 jours la semaine dernière, mais reprend son cours..

Vous qui me lisez, vous êtes certainement bien loin de tout ça, dans un pays où les priorités du gouvernement sont la hausse des prix du foie gras, les muselières pour les chiens, même ceux qui tiennent dans la poche, les commerçants qui ouvrent ou pas pour les fêtes de fin d'année et j'en passe... J'aimerais que le Liban puisse un jour avoir ce genre de préoccupations, et les Libanais aussi... Cette fois-ci, c'est moi qui suis avec eux, de leur côté, en regardant avec amertume la futilité de la vie.

Pour la première fois de ma vie je passerai les fêtes de fin d'année loin de la maison, de la famille. Il n'y aura ni question de sapin ni de la couleurs des guirlandes cette année. Pas de flocons de neige ni de tempête glaciale qui nous fait vite rentrer à la maison, au coin du feu avec un bon chocolat chaud et le chat sur les genoux. Mais des jours comme les autres ou peut-être pires que les autres, qui sait ce qui se prépare pour les prochaines semaines...

Après un mois de silence

5 déc. 06

Honte à moi mille fois. Quelle négligence de ne pas donner de nouvelles...

Mais je ne sais pas vraiment pourquoi. C'est vrai que tout à coup je n'ai plus écrit, je n'avais plus le courage, plus l'envie... Une sorte de lassitude aussi.

Et puis j'avais des problèmes de colocation, j'ai déménagé, ça devenait impossible à vivre. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais voilà, il a fallu que je cherche un appart, encore, et j'ai trouvé! Je suis seule et bien tranquille pour bosser et ne pas me prendre la tête avec des gens hystériques, sales et tyranniques de surcroît... Comme ça vous savez.

Alors vu que j'étais tellement mal, je n'avais plus aucune énergie, même pour répondre aux mails perso que je recevais. Il faut reprendre du poil de la bête et foncer.

Aussi, pendant le mois de novembre, je n'ai fait qu'une balade... au Sud Liban... Je voulais absolument écrire ce que j'ai vu, ressenti et mettre des photos. Mais je n'avais même pas le courage d'écrire! Vraiment un problème; blocage du cerveau ou paresse infinie je ne sais pas.

Peut-être trop de tristesse en voyant tous ces villages rasés, détruits...

En allant par Saida, puis Sarafand, Qana, Siddiqine, Ainata et Bent Jbeil... toujours plus d'horreurs sur les routes, toujours plus de souffrances, on s'avance dans un autre monde. Loin de Beyrouth, la grande soeur qui reprend son souffle et prend ses soeurs par la main en disant "Courage, on va y arriver"... oui, bien loin. Une autre réalité, une réalité irréelle de part sa souffrance et son isolement.

A Qana, j'ai vu l'emplacement du deuxième massacre israélien, après celui de 1996. Et là, sous une pluie battante, les photos des enfants, de quelques femmes et de deux résistants... tous mort. Et la pluie qui ne cesse de pleurer sur leurs tombes, qui déverse sa tristesse des mois plus tard, après ces massacres ensoleillés de l'été.

Et puis le village de Siddiqine, peut-être encore un des plus morbides. et pour cause, certains immeubles et maisons détruits n'ont pas été déblayés. On y trouve une chaussure d'un côté, une chaise cassée de l'autre, des vêtements souillés, éparpillés. Pire...l'odeur. L'odeur de la mort qui règne en maître, une odeur insupportable, à faire vomir ses entrailles. Je ne pouvais plus respirer. Tous ces corps qui doivent pourrir sous les décombres...

Combien? Qui? Pourquoi?

Des enfants prenant leur goûter peut-être, une vieille dame regardant la télé, une mère de famille préparant les mezze ou épluchant des pommes de terre...

Qui? Pourquoi? Comment?

La désolation et pourtant, des familles revivent là, en récupérant ce qu'ils ont trouvé de leurs meubles, mais s murs de la maisons ont disparu, des abris de fortune sont aménagés avec le reste des cendres... A nouveau il faut reconstruire, à nouveau il faut renaître de ses cendres et de ses souffrances. Est-ce que cela doit obliogatoirement faire partie des préoccupations majeures des jeunes adolescents libanais, des enfants innocents?

Et Bent Jbeil, dont on a tant parlé à la télé, et bien une fois la nuit tombée, on ne voit rien. Un trou noir, plus de maisons donc plus d'électricité, routes coupées et immeubles bombardés. Pire, criblés de balles, ce qui est la preuve que les israéleins sont entrés, on tué de leur main, en connaissance de cause. Quelle cause?

On veut se dire que c'est un cauchemar... mais non, c'est la réalité. Il y a quelques personnes qui tentent de rouvrir leur petite boutique épargnée entre les bombes, mais on croirait que ces épiceries ou magasins ne font que de la figuration. Le commerçant est assis sur sa chaise en attendant que les clients reviennent...

Revenir d'où?

Même le moindre signe de vie semble être juste une image, il n'y a plus d'âme, le temps s'est arrêté, de quoi vivent ces gens? Comment? Oubliés, délaissés...

Voici de bien tristes nouvelles, et pourtant bien réelles. C'est là qu'on réalise que notre réalité n'est pas celle des autres. Ce que l'on croit important semble tout à fait insignifiant pour certains, voire même indécent ou pire humiliant. Quant on dit que l'on a un problème de colocation alors que certains voudraient tellement avoir un toit... Nous sommes obligés de revenir dans la réalité de chaque personne que l'on rencontre, on ne peut pas rester sur notre nuage, pensant que la vie est la même partout.

C'est une grande leçon d'humilité que l'on devrait rencontrer plus souvent, afin de ne pas vivre dans notre bulle de verre, loin des cris de souffrances et de misère. De cette manière on relativise tous nos problèmes. Parfois on relativise tant que l'on peut perdre la tête et ne plus trouver de sens à sa vie quand on voit toutes ces horreurs.

Quel est le but de ces différences, de ces soufrances? Comment rester de marbre devant ça, et se dire "heureusement que dans quelques heures je rentre à la maison, qu'est-ce qu'il y a à dîner, au cinéma?" On ne peut plus penser comme ça après... Et c'est dur de revenir dans notre propre réalité, notre propre monde en ayant bonne conscience.