Voyage au Liban

04 août 2006

Rapatriment...

27 juillet 2006

22h30

Le téléphone sonne: l'ambassade de France. Un message : "Vous partez demain matin."

Je n'ai pas dormi de la nuit.

Entre mes valises à faire et le désir de rester, j'étais paralysée. Départ précipité. Je n'ai même pas pu dire au revoir comme j'aurais voulu.

J'avais l'impression de rêver, de cauchemarder même. Je ne voulais pas faire mes bagages. En plus nous n'avions droit qu'à 15kg... rien que tous mes livres faisaient ce poids et j'avais quand même besoin de quelques affaires...

Entre deux larmes, quelques vêtements de rangés. Entre deux larmes, quelques cartons de faits.

En plus de cela, la propriétaire qui refuse de me rendre ma caution, alors que c'est un cas d'urgence, je n'ai pas choisi de partir, au contraire. Négociations de la moitié seulement... Le lendemain matin, elle exige de voir mon appart vide...- alors que j'avais chargé un ami de le vider une fois partie et mettre mes affaires chez lui- , et là j'étais vraiment énervée, j'étais déjà en retard pour aller m'inscrire pour le navire de rapatriment... Bref, après cet épisode, mini malaise et du coup elle m'a rendu la totalité de ma caution!

Bref, suite à cela, direction la place du Musée pour se faire tatouer un "P" sur le bras, tels des boeufs qui vont à l'abbattoir... Il était 11h... Puis enregistrement au Lycée Français, un soldat prend ma valise et casse la poignée! Bravo, 30kg à porter à bout de bras (oui, ma valise faisait le double...)

Après une attente de plusieurs heures en compagnie d'une copine qui partait en même temps que moi et un ami venu me dire au revoir, voilà notre tour pour monter dans le bus qui nous conduit au port. Il est alors 15h. Et là, en face de cette porte, je recule. Ce n'est pas possible, je ne peux pas partir... Les militaires me demandent si je pars. Pas de réponse. Mon ami me dit : Allez, vas-y...

Crise de larmes... Le moteur se met en marche.. Je me dis :" Au port, j'aurai encore la possibilité de refuser de partir"...

Mon ami est venu jusqu'au port nous dire au revoir. Je suis appellée par les militaires, il faut que les passagers passent le contrôle et se fassent enregistrer dans un groupe de rapatriment. Je n'y crois pas, j'ai envie de courir très vite direction la maison, essayer de rester encore un mois, une semaine, un jour... Mais pas maintenant, pas comme ça.

J'avance avec cette foutue valise, un soldat la met avec les autres, je passe le contrôle et je me retourne... Je vois ma vie derrière moi, j'entends Beyrouth qui pleure et je passe de l'autre côté...

Un des trois navires militaire français......
Le fameux "Mistral", qui devait me ramener sur les côtes chypriotes, avant de prendre l'avion... Enorme navire de guerre, transformé en navire de paix...
Voici les contrôles... Je suis déjà passée de l'autre côté...
L'exode... la fuite... l'abandon...


Image désolante, je quitte Beyrouth. Beyrouth qui s'éloigne, Beyrouth sous un soleil gris, Beyrouth triste, à feu et à sang.

Nous sommes tous agglutinés à la rambarde du navire, tels des insectes attirés par cette lumière morte, qui se cogneraient au bocal les emprisonnant.

Je peux peut-être encore partir, plonger, rejoindre à la nage mon amour, mon Liban... Peut-être que je suis juste en train de rêver.

Peut-être que je ne suis jamais partie, et que cette guerre n'a jamais existé?

1 Comments:

  • bonjour , ce qu 'on lit dans votre article , personne ne peut réellement le comprendre si on ne la pas vécu ce qui est le cas pour moi , je revis ce calvar à travers ces images .. à travers les mots
    une envie de rester prés de ses proches et l'autre de partir . le plus émouvant c'est dès que le navire démarre et que tu vois le pays en fumée . j'espére qu 'un jour notre pays arretera de souffrir .bonne continuation excellents articles

    By Blogger lebaniz, at juillet 13, 2008 3:36 PM  

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